Emmanuelle Trinquesse | 9 novembre 2022 | science, transposition didactique, Pédagogie vocale, voix, Pédagogie, cours de chant, Coach vocal, prof de chant, twang, Anatomie, Belting

Science et cours de chant : un lien subtil
J'adore la science, je suis une incorrigible geek !
J'adore comprendre comment tel ou tel son est produit !
Quel muscle est investi, quelle signature acoustique cela donne !!!
Comment est produit tel ou tel timbre ou tel effet vocal !
J'adore !!!
Oui mais tous ces savoirs scientifiques sont ils vraiment utiles pour chanter ?
A-t-on besoin de savoir décomposer la production d'un son pour le produire facilement ?
Prenons l'exemple du belting que je connais bien pour avoir fait un master 1 à La Sorbonne sur le sujet.
Pendant un son belté la science nous montre :
- que le larynx est plutôt haut
- la respiration moins abdominale
- la langue plutôt haute
- les résonateurs prennent une forme de mégaphone
- le quotient de fermeture des cordes vocales est assez élevé…
C'est passionnant ! Vraiment !
Mais en pratique est-ce que je peux simultanément penser à tous ces paramètres ?
Ai-je d'ailleurs la capacité motrice de tous les contrôler ?
Et même si je le pouvais cela m'amènerait-il vers un son belté sain ?
Rien n'est moins sûr…
Ne confondons pas théorie et pédagogie.
Comprendre comment un son en belting est produit c'est très intéressant, stimulant intellectuellement.
Ce sont des savoirs.
En tant que pédagogues nous devons certes connaître ces savoirs mais aussi et surtout être en mesure de transformer ces savoirs en savoirs faire pour guider nos élèves.
Et souvent dire à nos élèves :
- remonte le larynx
- respire plus haut
- accole plus tes cordes vocales
- remonte la langue
ça ne marche tout simplement pas.
Il nous faut trouver un autre chemin pour guider la coordination motrice nécessaire au belting.
La physiologie a son importance oui, cela nous permet de ne pas transmettre de fausses croyances et de mieux accompagner nos élèves.
Pour autant on ne va pas pouvoir dire à nos élèves qui recherche un son en belting :
- descends ton larynx
- ouvre plus à l'arrière
Car là effectivement ce serait plus que contre productif, ce serait potentiellement dangereux.
D'une part car souvent des savoirs faire isolés sont plus que compliqués à maîtriser et à coordonner.
Et d'autre part parce-que ces consignes ne respectent tout simplement pas la physiologie du belting !
Là ce serait même problématique pour la santé vocale !
La science permet des cours de chant plus respectueux de la physiologie vocale.
Le prof de chant doit connaître ce qui se cache derrière un son en belting pour ne pas faire de contre sens et proposer des explorations inadaptées.
La science nous permet oui de connaître les bases anatomiques et physiologiques nécessaires pour proposer un accompagnement respectueux de la physiologie vocale.
Grâce aux données scientifiques qu'il connaît le professeur de chant ne proposera pas d'explorations vocales, d'exercices potentiellement dangereux pendant ses cours de chant.
Et ça c'est pour moi absolument essentiel car si on veut regarder la réalité en face oui de nombreux cours de chant ne respectent pas la physiologie vocale.
Une phoniatre avec qui je travaille m'a un jour dit, et ça m'a profondément marquée : « Emmanuelle on ne peut pas travailler avec la plupart des profs de chant car ce qu'ils proposent est dangereux pour la voix… »
C'est certainement pour lutter contre cet état de fait, qui a d'ailleurs déjà bien évolué, que dans la formation pour les professeurs de chant que je propose nous faisons oui beaucoup d'anatomie et de physiologie et que je tiens à ce que la science vocale guide notre pédagogie.
La science nous aide donc à être un professeur de chant plus compétent.
Mais oui avoir toutes ces connaissances scientifiques ne suffit pas à être un excellent prof de chant,
Des cours de chant sur mesure
Prenons un autre exemple, celui du twang.
Le twang est un type de résonance très très utile.
La science semblait nous indiquer pendant un moment que pour faire du twang il fallait rabattre un cartilage du larynx appelé épiglotte.
On pourrait alors être tentés de dire à nos élèves qu'on doit sentir l'épiglotte se rabattre.
C'est tentant, puisque l'on sait comment ce son peut être produit alors allons y, donnons cette info à nos élèves.
Sauf qu'on ne sent pas l'épiglotte se rabattre.
Et qu'essayer de le faire pourrait s'avérer là aussi dangereux car on chercherait à sentir quelque-chose au niveau du larynx. Et si on sent quelque chose c'est probablement qu'on met déjà plus d'efforts que nécessaire.
Pire depuis la science a montré que le twang peut être produit sans même que l'épiglotte se rabatte.
C'est mon cas, je fais du twang sans ce mouvement de l'épiglotte…
Et je l'ai constaté grâce au docteur Élisabeth Péri Fontaa qui a accepté de regarder mes cordes vocales pendant un son twangué.
La vidéo est par ici :
Vidéo résonance sans épiglotte
Savoir que l'épiglotte peut ou non se rabattre pendant un son twangué c'est intéressant, j'adore !
Mais il n'est pas possible d'utiliser cette information brute sans la transformer, l'adapter.
La transposition didactique en cours de chant
Il y a donc les savoirs d'un côté souvent éclairés par la science, indispensables pour une pédagogie scientifique et efficace, qu'il est nécessaire de transférer, transformer en savoirs faire appréhendables.
C'est ce qu'on appelle parfois la transposition didactique.
Transformer les connaissances en savoirs faire plus globaux et faciles à appréhender.
Et pour se faire on passera plus volontiers par :
- l'intention
- l'émotion
- l'imitation
- les évocations
- la transformation de voyelles
- les jeux vocaux…
Cette liste est longue et ici bien sûr non exhaustive.
On peut aussi parfois donner des informations plus analytiques et respectueuses de la physiologie :
- laisse ton larynx remonter
- ouvre plus devant que derrière
- regarde si en montant légèrement la langue c'est plus simple
Par contre sans en abuser car le corps ne pourra tout simplement pas penser à toutes ces consignes en même temps si tant est qu'il arrive à les engendrer.
Ça c'est la science aussi qui nous l'apprend, les neuro-sciences même avec le motor learning.
Personnellement j'aime passer par des explorations vocales simples et ludiques qui à la fois vont dans le sens de la physiologie mais permettent de ne pas intellectualiser le geste.
Science et pédagogie vocale se complètent pour plus d'efficacité.
En tant que professeur de chant il est évidemment intéressant de connaître la théorie pour mieux guider et respecter la physiologie pendant nos cours de chant.
Mais il est aussi pertinent de trouver un chemin pédagogique accessible, ludique, pragmatique.
C'est aussi ce qui fait de notre métier un métier passionnant en constant renouvellement !
Cela nécessite de se réinventer pour trouver des stratégies pédagogiques personnalisées qui font vraiment progresser !
Quel magnifique métier !
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